casée pour de bon

J'étais tranquillement debout dans le bus, je regardait la pluie tomber dehors en me disant que ce bête temps me pourrissait la journée sans savoir qu'en fait le pire était à venir. J'entendis mon prénom et me retournai;le pire c'était elle: 1m50 de stupidité et un air constamment béat.

-Saaaaalut comment tu vas? Ohlala ça fait tellement longtemps!

J'ai pensé un instant la rembarrer du style- désolée mais j'ai pas le temps de te parler, ça m'a fait plaisir...ou eh t'as vu la montgolfière dans le ciel? et me cacher derrière un fauteuil. Mais alertés par le volume sonore de sa voix, les autres passagers s'étaient retournés et attendaient maintenant ma réponse, comme s'il s'agissait de leur feuilleton télé préféré. Je n'avais pas envie de jouer le rôle du méchant JR à 8 heures du mat', alors je me suis inclinée devant la pression sociale, je me suis raclée la gorge-mes premiers mots je comptais les sortir vers midi-et ait courageusement articulé avec un air faussement enthousiaste:

-tiens...comment tu vas?

-Oh super. Et toi racontes-moi...

NOn, connasse, j'ai pas envie de raconter ma vie à toi et à tout un bus en plein matin...Ca c'est ce que j'aurais dû lui répondre, mais comme je suis une personne bien éduquée et que la vieille assise à côté de moi avait vraiment envie de savoir la suite j'ai painiblement entamé un exposé de ma vie alors qu'elle faisait la fausse intéressée-je comprends pas pourquoi y'a des gens qui posent des questions quand ils se foutent des réponses?-parceque ce qui l'intérressait c'était avant tout de parler d'elle. Ce qu'elle fit après que j'eus résumé mavie en 3 phrases-je peux être efficace parfois-sans que je ne le lui demande rien- Pratique, j'ai pu m'enfoncer dans une semi-létargie à peine dissimulée. Elle réussi tout de même à m'en sortir quand elle me demanda d'une voix crispante tout d'un coup:

-Au fait t'es toujours avec Tuuuuuuuut ?(censure ordonnée par le principal intéressé, qui s'imagine que son prénom est tellement unique que tout le monde va le reconnaître...mwouais...vaut mieux laisser tomber) J'eu un sursaut.

-Euh...oui.

-Quoi? Mais ça fait suuuuper longtemps-y'a des gens qui doivent tjs rallonger les mots comme si ça leur donnait plus d'importance-ça fait quoi...

-5 ans.

-5 ANS?????-Oui 5 ans connasse, ça sert à quoi de le répéter?

-Sans blague ça fait 5 ANS que vous êtes ensemble?-encore une fois?

-Ben oui

-Oh la vache vous êtes un vieux couple...

le mot était lâché-miss air béat se révélait être en fait une sale peste qui venait de trouver un truc à se mettre sous la dent.

-Oui...enfin Non! Je sais pas...T'as personne toi?

J'eus alors droit à un cours sur la longétivité d'un couple. Comme quoi à mon âge quand même 5 ans c'était beaucoup et que plus tôt tu commences, plus tôt tu finis- et si tu commences jamais?-et d'autres théories à la con dont je n'ai même pas relevé le contenu. Mais une fois le cauchemard descendu du bus, je n'ai pas pu m'empêcher de penser aux propos de cette harpie. Etais-je devenue, sans m'en rendre compte une vieille casée?C'est vrai qu'après 5 ans d'amour partagé et 2 ans de vie commune, la question était légitime. Etais-je une de ces filles tellement casées qu'elles en deviennent prévisibles-type vendredi on mange du poisson, dans 34 mois on fait un gosse- casanières, mal fringuées-puisque quoi qu'on fasse on a un homme qui nous trouve la plus belle- et fée du logis? Je retournai cette question inlassablement dans ma tête et puis, finalement je décidai que non, que y'avait pas de raisons, que j'étais ptêt casée mais que j'avais encore l'esprit d'une célibataire. J'étais tout sauf prévisible-impossible de savoir ce que je vais faire avant 9 heures du soir- je sortais souvent et pas toujours avec mon mâle- je me fringuais très bien et même mieux qu'avant, pask'à deux ont a plus d'argent...et mon appart était toujours aussi bordélique.

Je descendis donc du bus le pas léger, contente que cette pétasse n'ait pas réussi à me bousiller ma journée de fille casée.