Mais vous êtes très urbain mon cher
Aujourd'hui je vis en ville. Je vis même dans une capitale. Ca fait 5 ans et j'ai l'impression d'être là depuis toujours. Pourtant je suis une demi-provinciale (jamais je n'accepterai d'enlever le demi! Non mais, y'a des limites hein!). J'ai grandit dans une petite ville. J'en ai voulu toute mon enfance et adolescence à mes parents, eux qui venaient de la capitale, eux qui avaient vécu toute leur jeunesse là-bas et qui peu après ma naissance avaient décidé de venir s'enterrer dans cette petite cité. Pour mon bien il paraît, pour que je puisse gambader dans l'herbe, respirer de l'air frais et aller à l'école à pied, pfff tu parles d'un bonheur.
A chaque fois qu'on allait voir la famille et les amis (qui eux n'avaient pas fait ce choix débile de tout plaquer pour un pavillon coquet et un coin de verdure), je voulais rester. J'adorais cet air pollué, ce trafic infernal (qui provoquait chez mon père toujours la même réaction :"aaaah quel bonheur de ne plus vivre ici." Grrrrrr. Je fixais sa nuque et l'injuriais en silence de tout un tas de nom d'oiseaux), j'aimais tout, tout ce qu'il n'y avait pas chez moi, des trams, des bouches de métro, des gens qui courrent dans la rue, qui se bousculent, des taxis, des magasins ouverts la nuit, les énooormes croisements, les enseignes de magasin qui clignotent, les pancartes en tous genre, toutes ces couleurs, ces hauts buildings, j'adorais cette effervescence, ce bouillonement, l'impression que c'était là-dedans, au milieu de tout ce bordel que se passaient les choses les plus palpitantes.
Ne surtout pas retourner dans cette fausse campagne; Cet endroit où toutes les maisons sont les mêmes, où il faut faire ses courses dans de grands complèxes au bord de l'autoroute, où sans voiture t'es mal barré, donc avant 18 ans tes weekends tu les passe devant la télé, où tout le monde sait qui tu es, où tu habites et avec qui tu sors, où dans toutes les maisons y'a un chien qui hurle à chaque fois que quelque chose bouge, où chaque dimanche les papas tondent la pelouse et les enfants lavent la voiture devant la porte, un coin où il y a un peu de bitume, un peu de vert, mais pas assez des deux.
30 km nous séparaient de la capitale. 30km que j'ai haït de tout mon coeur pendant 20 ans.
Je me suis jurée de partir dès que je pourrais, je l'ai fait. Maintenant je vis dans ma capitale adorée, dans un appart à 4 au 3e étage d'un joli immeuble, dans une rue animée, où 2 fois par semaine y'a les éboueurs qui me réveillent à 6h du mat', où toutes les nuits y'a des soulards qui se disputent en bas de chez moi,où le voisin me fait parfois enrager avec sa techno de bouseux, où il y a un bar vachement sympa même que c'est devenu notre QG et qu'on nous sert mieux que les autres, où je peux envoyer M.Mamours me chercher un galack popri (à propos quelqu'un sait ce que ça veut dire?) et un ice tea pétillant à n'importe quelle heure de la nuit, où je dois pas faire 200m pour tomber sur un bus, ou une bouche de métro.
Aah oui! Malgré tous ses défauts,ses désagréments, ses habitants toujours pressés et toujours agacés, j'aime la ville, j'aime son bouillonnement, sa créativité, sa liberté, son organisation non respectée et puis j'aime surtout sa mixité: mon épicier pakistanais qui depuis qu'il a découvert mes origines me prononce tout à l'italienne en me faisant un gros d'oeil "un po di mozarrrrella per la signorina, si,si!", la mama congolaise qui crie toujours sur ses mioches, le fleuriste qui en vrai bruxellaire grogne sur tout le monde, mon charcutier homo et son accent flamand, le rastaman qui me sert ma kriek (bière fruitée) et son employé colombien qui nous gave avec Indochine (tout ça parce qu'il découvre le français et la chanson française), le portuguais qui fait super bien le steomp (purée bruxelloise), j'aime tout ça et jamais au grand jamais je ne retournerai vivre loin d'elle, jamais je ne retournerai dans ma petite cité et ses pavillons bourgeois!Jamais!Na!